Pourquoi les Canadiens ont la réputation d’être aussi gentils (et le sont-ils autant qu’on pense)?
Menacé de tarifs douaniers par Donald Trump, le Canada est comparé à un Golden Retriever docile sur les réseaux sociaux ou à un «gentil voisin» que l’on attaque injustement sur les plateaux de télévision américaine. Mais d’où provient la réputation du Canada «bienveillant» et risque-t-elle de changer alors qu’une guerre commerciale pourrait éclater avec les États-Unis.
«Je pense que les Canadiens sont un peu perplexes quant à la raison pour laquelle nos amis et voisins les plus proches choisissent de nous prendre pour cible. Je ne pense pas qu’il y ait beaucoup d’Américains qui se réveillent le matin en se disant “Ah! Maudit Canada! On devrait vraiment s’en prendre au Canada”», a lancé le premier ministre Justin Trudeau, samedi.
Il annonçait au même moment la riposte de son gouvernement aux tarifs douaniers de 25% sur les produits canadiens que Donald Trump a finalement suspendue au moins 30 jours.
«Les Américains doivent comprendre à quel point les Canadiens sont blessés et franchement furieux», a doucement déclaré l’ex-vice-première ministre et candidate à la chefferie du parti libéral du Canada, Chrystia Freeland.
Un gentil chien docile
À la télévision américaine et sur les réseaux sociaux, plusieurs se sont étonnés de la réplique du gouvernement Trudeau en rappelant l’image idéalisée d’un «gentil» Canada impossible à détester, comparant même le pays à un chien au caractère docile.
«Je n’ai jamais vu de Canadiens aussi furieux! Ils ont pété les plombs», a ironisé l’humoriste et animateur Seth Meyers sur le plateau de son émission de fin de soirée.
«On cherche la chicane avec notre ami le plus fiable et le plus agréable, le Labradoodle des alliés», a quant à lui réagi Jon Stewart du Daily Show.
«Imaginez être méchant avec le Canada. C’est comme donner un coup de pied à un Golden Retriever», a écrit une personne sur le réseau social Threads.
Mais pourquoi le pays a-t-il la réputation d’être si gentil?
Des vestiges de l’époque coloniale
«L’histoire du Canada est une histoire de compromis et d’accommodations, notamment entre francophones et anglophones», raconte l’historien et professeur à l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR), Laurent Turcot.
«Au Canada, on s’excuse même si on sait qu’on n’a rien à se reprocher. On montre nos émotions avec bienveillance et on préfère éviter la chicane», illustre-t-il.
Cette attitude serait un vestige du colonialisme, selon lui.
«Le flegme britannique ou l’art de ne se piquer de rien a formé l’élite britannique dans les collèges au 19e siècle, pour ensuite être importé dans les différentes colonies. Le Canada est une colonie qui a toujours eu le rôle de second. On connaissait notre place et il fallait être gentil pour la garder», explique M. Turcot.
Même sur le plan militaire le Canada est perçu comme un intermédiaire qui excelle dans la résolution de conflit.
Rappelons que la Force de maintien de la paix armée de l’Organisation des Nations unies (ONU), couramment appelée les Casques bleus, a été créée en 1956 par l’ancien premier ministre canadien Lester B. Pearson. Il était alors ministre canadien des Affaires étrangères.
Le politicien libéral a reçu le prix Nobel de la paix l’année suivante.
Et si le Golden décide de montrer les crocs?
L’Armée canadienne n’est toutefois pas reconnue que pour ses opérations de paix.
Le professeur titulaire à l’école de politique appliquée de l’Université de Sherbrooke, Mathieu Arès, rappelle en effet la réputation des soldats canadiens pendant les deux guerres mondiales.
«Le Canada était le plus sauvage des Alliés, dit-il. Les soldats avaient la réputation de durs à cuire. On était une bande de bûcherons et de coureurs des bois. Les Allemands n’aimaient pas trop savoir que des Canadiens étaient de l’autre côté du front.»
Lors du débarquement de Normandie, en 1944, ce sont les troupes canadiennes qui ont réussi à avancer le plus loin en territoire ennemi, ajoute le professeur.
«On ne plaisante pas avec le Canada», ont ainsi fait valoir plusieurs utilisateurs des réseaux sociaux.
«Si on impose des tarifs, les Américains vont nous trouver pas mal moins fins lorsqu’ils verront le prix des aliments exploser. Il y a un paquet de produits de base qui sont importés du Canada que les Américains n’achètent pas pour nos beaux yeux, mais parce qu’ils en ont besoin», détaille le professeur Arès.
• À lire aussi: Voici pourquoi le projet de Donald Trump de s’emparer de Gaza ne tient pas la route
• À lire aussi: Donald Trump essaye-t-il de mettre en place un régime autoritaire aux États-Unis?
Il cite l’exemple de la potasse. Le Canada est le premier exportateur mondial de ce minerai qui est l’un des principaux ingrédients de l’engrais.
«Trump pensait probablement qu’on aurait peur et qu’on se coucherait, mais ça a été la meilleure idée de répondre comme l’a fait le gouvernement Trudeau», conclut M. Arès.
